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"Il faut déclarer d'Utilité Publique le maintien des terres agricoles"

23 Mars 2009 , Rédigé par Isabelle Loirat Publié dans #Agriculture - OGM

 

Dimanche 22 mars au Forum de Libération à Rennes nous avons assisté au débat entre Corinne Lepage et José Bové sur le thème Mondialisation alimentaire, une issue pour la faim ? 

Bien que très différents dans leur façon de mener le combat, l'une est présidente du CRIIGEN, vice-présidente du MoDem, présidente de Cap 21 qualifiée d'écologiste libérale, l'autre est leader de la Confédération Paysanne,"altermondialiste, faucheur d'OGM", tous deux partagent des convictions très fortes (sur les OGM par exemple), et tous deux ont contribué chacun à leur manière, à notre prise de conscience sur les questions environnementales. Ils sont aussi candidats aux Européennes, l'une dans le Nord Ouest, l'autre dans le Sud Ouest.

Ils font aujourd'hui les mêmes constats implacables sur la crise alimentaire, soulignent notre responsabilité collective et PROPOSENT DES SOLUTIONS.

700 à 900 millions de personnes souffrent de la faim dans le monde (un dollar par jour par habitant dans les villes et moins de un dollar par jour dans les campagnes)

Nos choix politiques nous ont conduit là : spéculation sur les matières premières agricoles, concurrence accrue entre les plantes à vocation alimentaire et à vocation énergétique avec le développement des biocarburants*  de première génération, le besoin de terres est tel qu'aujourd'hui des monarchies pétrolières achètent des terres en Afrique (exemple récent 3 M d'hectares de terres au Soudan). De grandes entreprises deviennent propriétaires du foncier faisant apparaître de nouvelles inquiétudes.

(biocarburants* : mieux vaut les appeler agrocarburants)

Pour Corinne Lepage, la solution passe d'abord par un indispensable  "CHANGEMENT DE LUNETTES". Pour trouver et ensuite adopter de nouvelles solutions, il faut d'abord changer notre façon d'appréhender les problèmes. La crise actuelle est un accélérateur de ce changement.

José Bové rappelle la réalité du monde paysan et les écarts entre les pays : 25 M d'agriculteurs travaillent la terre à l'aide d'un tracteur, et 1,2 milliard avec leurs mains !

Contrairement à de nombreuses idées reçues, 90 % de la production agricole est consommée sur place. 10 % des denrées alimentaires circulent entre les continents.
L'agriculture c'est d'abord produire pour nourrir les gens sur place.
La naissance de l'OMC (après le cycle de l'Uruguay Round) n'a pas vraiment modifié ce chiffre de 10 %.

Aujourd'hui les prix agricoles sont alignés sur un marché mondial qui ne correspond pas à la réalité. Les prix du marché sont inférieurs aux coûts de production dans les pays du Sud. Le prix du lait est fixé par rapport à la Nlle Zélande. On est passé d'une aide au kg produit à une aide à l'hectare. (les plus gdes exploitations touchent le plus de subventions.)

Conséquence : les paysans ruinés affluent vers les villes et viennent grossir les bidonvilles. Les problèmes des paysans sont ainsi déplacés vers les villes où la capacité à se nourrir dépend de ses revenus.

Les pays ont l'obligation d'importer 4 ou 5 % de leur consommation.

Pour Corinne Lepage, l'OMC ne suffit pas, même si elle est un lieu de débats commerciaux. 
- il faut une organisation internationale,  une ONU de l'Environnement (ONE) pour gérer ces questions agricoles, commerciales, de l'accès à l'eau, des pesticides, des énergies etc...

- La redécouverte de la proximité et la relocalisation est une voie d'évolution importante. Le succès des AMAP montre à quel point le besoin de développer une agriculture péri-urbaine voire urbaine (en Grèce parkings béton transformés en potagers au pied des immeubles ) est une solution pour demain. Produire près des villes pour nourrir les habitants des villes.

- conserver des terres agricoles à la porte des villes permet de lutter efficacement contre l'étalement urbain dont tout le monde parle mais que personne ne pratique (à ce moment là, nous commençons à penser à Nantes qu'on s'apprête à étaler jusqu'à NDDL...)

Un rapport récent de la FAO dit que notre planète a la capacité de nourrir 9 Milliards d'être humains sans nécessairement produire de façon extensive. L'agriculture extensive a pour pendant l'utilisation massive d'intrants (engrais et pesticides) et comme conséquence l'appauvrissement des sols de moins en moins fertiles, elle est donc enfermée dans un cercle vicieux.

QUELLES SOLUTIONS ? L'optimisme est-il possible ? Oui si

- on inverse les esprits et si on CHANGE DE LUNETTES ET D'OUTILS D'EVALUATION pour Corinne Lepage.  Utiliser de nouveaux indices de Développement humain, ne pas se limiter à une évaluation économique par le seul critère du PIB.

- INTEGRER LES COUTS DE TRANSPORT DANS LES PRIX : TAXE CARBONE par exemple.

"Les seuls combats perdus sont ceux qu'on n'a pas commencé" nous rappelle très justement José Bové.

- Reconnaître dans le droit international le DROIT DE SOUVERAINETE ALIMENTAIRE, le droit des peuples à s'alimenter eux-mêmes (idée apparue en 1996, revue FAO, Via Campesina, 300 millions de paysans)

- il faut des INSTITUTIONS FORTES, et pour José Bové le commerce doit s'incliner devant des principes fondamentaux. Slogan 1999 à Seattle "Soumettre l'OMC aux Droits de l'Homme". Au tribunal interne de l'OMC, tous les pays n'ont pas le même poids, un petit pays ne peut faire modifier une décision à lui seul.

L'OMC s'appuie sur le Codex Alimentarius qui autorise par exemple l'apport de 170 produits différents dans l'élaboration du vin rosé ! Le boeuf aux hormones a bien failli passer dans ce Codex.

- redécouvrir l'INTERET GENERAL. Défense de ce principe passe aussi par les Etats. Le modèle ancien de toujours moins d'Etat "se casse la figure". Les lobbies des pesticides et de l'agrochimie sont présents et actifs dans toutes ces institutions. Il faut donc des règles de transparence pour encadrer ce lobbying.CL

QU'EST-CE QUI EST PREMIER POUR NOUS ?
- QU'EST-CE QUE NOUS, LES ETATS, LES CITOYENS NOUS VOULONS COMME PREMIERE PRIORITE ?
Le modèle actuel, les grosses multinationales, la dépendance accrue des paysans pour l'accès aux semences par exemple ou se nourrir correctement, avoir accès à l'eau, donner les moyens aux agriculteurs de vivre de leur travail dans le monde rural ?

L'OMC a condamné l'Europe parce qu'elle a refusé la viande aux hormones et il faut savoir que nous PAYONS DES AMENDES pour cela.

- penser l'agriculture au carrefour des questions de l'Eau, des énergies, des intrants, de la sécurité alimentaire.

- proposition : l'agriculture qui fait de la capture de carbone doit être indemnisée comme l'agriculture extensive.

Corinne Lepage croît à l'avenir d'une agriculture sortie du pétrole qui passe par le végétal  et pense qu'il faut développer encore plus l'éco-conditionnalité.


Rappel historique de José Bové sur l'Europe qui s'est construite autour de la PAC.
En 1958, traité de Rome, objectifs : d'autosuffisance européenne, que le panier ne soit pas trop cher et assurer un revenu aux paysans.
La PAC sera modifiée en 1992, en 1999 juste avant la conférence de Seattle, en 2003 juste avant la conférence de Cancun. Il dénonce "à chaque fois un alignement à la hussarde sur l'OMC"

Si Corinne Lepage et José Bové sont candidats aux élections Européennes en juin prochain c'est aussi parce que les enjeux agricoles se décident à l'échelle européenne et que la réforme de la PAC 2013 va orienter l'agriculture pour des décennies.

- QUE L'INSTALLATION DES AGRICULTEURS SOIT DECLAREE D'UTILITE PUBLIQUE (alors là cela fait TILT pour nous qui avons affaire à une DUP qui déclare d'utilité publique le sacrifice de plus de 1600 ha de terres pour faire un aéroport NDDL).
Ce sera le titre de ce billet et une idée que nous allons soutenir.

En effet nous sommes passés de "Nous empruntons la terre de nos enfants" à "Nous détruisons la terre de nos enfants" . Ex : algues vertes en Bretagne, pollution des eaux de surface et souterraines.

Pour José Bové il faut renégocier l'accord de Blair House. (On importe 85 % de nos productions végétales pour faire de l'élevage hors-sol !)

- Corinne Lepage conclue qu'il faut INVERSER LES ESPRITS, rappelle la solution de la METHANISATION DES DECHETS AGRICOLES une chance pour les agriculteurs d'assurer leur autonomie énergétique, cite l'exemple formidable du Gaec du Bois Joly en Vendée, ferme-usine de méthanisation qu'elle a visitée en novembre dernier (voir  Colloque MoDem Agriculture et Energie )


Quelques unes des questions et du débat avec la salle : 

OGM et question centrale des brevets.  Monsanto arrivait en fin de brevet pour son Roundup, avec les OGM, la firme a relancé le Roundup et crée un marché captif dont elle a le quasi monopole.

On est quelqefois plus efficace avec notre porte-monnaie qu'avec notre bulletin de vote : on peut décider d'acheter ou de ne pas acheter ces produits qui nous dérangent.

Une question sur l'aéroport de Notre-Dame-Des-Landes (NDDL) a été posée aux deux intervenants. Que peut faire l'Europe sur ce sujet ? Corinne Lepage propose de :
- obliger les porteurs du projet à établir un bilan carbone du projet NDDL
- obtenir une étude des avantages et inconvénients (et des contre-propositions)

José Bové qui connaît lui aussi très bien le dossier évoque la mobilisation des agriculteurs , souligne le fait que ce projet est porté par des grands élus régionaux, dont Jean-Marc Ayrault, JB évoque même l"Ayraultport" et rappelle que ce projet date des années 60.

Edgar Morin utilise le mot planétarisation plutôt que mondialisation pour souligner l'interdépendance entre l'humain et sa planète.
Il existe aussi une interdépendance entre nos droits et nos obligations. Se battre pour nos droits oui mais nous avons aussi des DEVOIRS et il convient de se battre aussi eux.

Intérêt général et Droit à la vie de chacun seront les mots de la fin.


Mais pour nous, la journée n'était pas finie. Nous avons eu le plaisir de faire une balade à pied***** dans les rues de Rennes avec Corinne Lepage et José Bové en les raccompagnant à la gare. Ce n'était pas prévu du tout et c'était très sympa. Les passants n'en revenaient pas, "c'est José Bové !" (c'est fou ce qu'il est populaire) et Corinne Lepage ! (sans une meute de journalistes ou de gens qui ne veulent qu'une chose : être sur la photo !) Ils pouvaient très simplement venir leur serrer la main, leur dire un petit mot de soutien, de remerciement pour leur combat. Corinne Lepage, nous la connaissons et la soutenons depuis longtemps, nous savons qu'elle est très accessible. Mais José Bové, nous n'avons pas l'habitude de le croiser dans nos réunions du MoDem, il nous a impressionné par sa simplicité, son côté chaleureux et ses encouragements sur NDDL nous ont fait chaud au coeur.

Ensuite nous avons retrouvé les militants et élus du MoDem 35 au Café Noir autour de Sylvie Goulard, tête de liste pour le MoDem aux Européennes. Elle est attendue à Nantes Mercredi 25 mars 2009 à la Manu à partir de 17 heures.

Bref, une chouette journée de militants que ce dimanche 22 mars 2009 !






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