Violence à l'école - Non à Monsieur Darcos ! par Sylvie Tassin
Sylvie Tassin est présidente de la section MoDem de Nantes.
Professeur d'anglais au collège-lycée Guist'Hau de Nantes, membre du CIEN (Centre interdisciplinaire sur l'Enfant), l'Education est bien sûr au coeur de ses priorités et de son engagement au sein de notre mouvement.
Elle a aussi longtemps enseigné à Bellevue*, quartier populaire nantais auquel elle est toujours restée attachée et elle a su y emmener le MoDem pendant la campagne des municipales 2008 pour des réunions ou cette conférence de presse sous le soleil Place des Lauriers mais hélas peu ou pas relayée dans la presse locale.
Sylvie Tassin, candidate aux municipales à Nantes, 6ème sur la liste MoDem conduite par Benoît Blineau fut non seulement une cheville ouvrière de la campagne, mais devint très vite un pilier de la construction du programme du MoDem pour Nantes, par ses propositions comme La Maison des Solidarités, le service municipal d'accompagnement à la scolarité et à la parentalité.
Nous lui devons depuis, en plus de son travail d'animation et d'organisation de la section nantaise du MoDem, d'avoir organisé avec les Jeunes Démocrates 44 un débat sur l'avenir de l'école et les réformes Darcos le 21 janvier 2009 à Nantes.
C'est avec elle que nous sommes allé-e-s à la grande manifestation pour l'éducation en novembre dernier à Nantes.
C'est elle encore qui nous informe régulièrement, militants ou élus sur ce qui se passe à l'école et nous interpelle avec conviction sur ces questions de l'enseignement et de l'éducation des générations futures.
"La discussion législative, le décret d'application, la circulaire dans le bulletin officiel de l'Education nationale, rien de tout cela n'est susceptible de changer la seule chose qui compte : le crédit d'un enseignant aux yeux de son élève".
"Rien ne se passe dans la loi et tout se passe dans la classe"
François Bayrou, Abus de pouvoir, page 72, chapitre IV Réformes, le mot piégé
* Photos du quartier Bellevue à Nantes
Pour lire le billet de Sylvie Tassin sur le blog de Sylvie Tassin
Contre la violence à l’école il y a plusieurs voies.
Celle prescrite par Xavier Darcos est de contenir le mal, de tenter de le circonscrire par le biais de contrôles, accusations, menaces, punitions. C’est un aveu de défaite. Car c’est avouer que l’on se résigne à accepter ce mal, qu’on l’accepte même. Et qu’on lui court en permanence derrière, qu’on est en retard sur lui. On s’attaque au symptôme uniquement.
Et à quel avenir cela nous destine-t-il ?
Des zones encadrées, grillagées, des interrogatoires et convocations multiples ?
Ceci peut faire partie de la solution, mais en dernier recours, et dans des cas extrêmes, pour des causes perdues.
Et cela ne peut être qu’une tache, et la plus sombre, sur la palette de couleurs dont nous devons nous efforcer de disposer pour apporter des solutions, pour ouvrir d’autres possibles.
Que peut-on faire d’autre, de plus constructif, de préventif, et qui permette de diminuer les pulsions de violence, les envies de passage à l’acte, à leur racine même ?
Tout d’abord, rétablir la position d’autorité au sein de l’école, et demander aux
adultes qui y travaillent d’y assumer le rôle de garants de la paix. Cela ne passe pas par l’uniforme quel qu’il soit, celui de l’agent ou la blouse grise, cela passe par la présence humaine.
Trop de directeurs d’établissements ne circulent pas dans les couloirs, ne sont pas physiquement là, incontournablement présents. Ils sont rivés seuls dans leurs bureaux à des études de chiffres et statistiques avec un seul objectif qu’ils martèlent à tout-va : pas de vagues.
Car être bien noté veut dire : peu de conseils de discipline, le moins possible.
Ceci laisse le champ ouvert à deux attitudes :
-on élude les problèmes, on dit qu’ils n’existent pas pour les supprimer, et en ces temps où le discours fait et défait le réel à volonté, cela peut passer, mais pour un temps et un temps seulement. Car le réel ressurgit toujours dans les trous laissés par les discours lénifiants.
-ou alors on se donne les moyens d’éviter d’y avoir recours… Mais trop peu de chefs d’établissement y déploient l’énergie colossale et nécessaire, car elle passe par un réel don de soi, de sa présence, de sa volonté, de son écoute .
-les enseignants aussi se doivent de faire l’effort d’être des figures d’autorité. C’est un point sur lequel on insiste aujourd’hui beaucoup dans les IUFM, notamment dans les cours d’analyse de pratiques, et un point sur lequel les référents qui encadrent les conseillers pédagogiques (dont je suis) nous interrogent souvent :
-« le/la stagiaire accepte-t-il/elle d’endosser l’habit de maître ou a-t-il/elle une attitude de fuite face au conflit ? »
Or l’année de stage est une année de lente maturation à ce niveau là, et une année indispensable.
Celle-là même que Monsieur Darcos veut supprimer.
Les futurs enseignants que nous promet la réforme, seront davantage formés théoriquement (en université) et moins pratiquement (sur le terrain de la classe).La gestion de la classe ne sera quasiment pas abordée si ce n’est de façon lointaine et à grands coups de recettes dogmatiques dans le parcours de mastérisation, or c’est dans l’expérience et la confrontation à la situation délicate que l’on se fabrique ses propres réponses, les seules qui vaillent.
Les réponses d’être humain à être humain.
Et la première année en IUFM est une année qui donne le temps au stagiaire de s’interroger sur les réponses qu’il doit trouver, par lui même et en faisant preuve de lucidité et de courage, pour devenir un enseignant capable de tenir une classe, de mettre tout le monde au travail, de donner les mêmes chances à chacun.
Ne pas fuir nos responsabilités à nous, adultes, s’interposer entre l’élève provocateur et sa victime, ne pas faire celui qui n’a pas vu, celui qui ne savait pas et donc que l’on ne peut accuser.
Nous avons le devoir de savoir ce qui se passe dans nos cours, dans nos établissements, et le devoir d’en rendre compte, avec lucidité, dans un esprit d’ouverture à la critique, au regard de l’autre, seul chemin vers le progrès, vers du mieux.
-Outre le devoir de présence réelle, nous devons aussi être souples dans la conception de nos cours. Nous avons des programmes à respecter, certes. Mais nous disposons d’une grande marge de manœuvre pour rendre ces programmes attractifs, et nous nous devons de les utiliser.
Ayant enseigné dans des classes relativement difficiles, j’ai réalisé à ma pratique sur le terrain qu’un bon moyen de créer le consensus autour de moi, maître de la classe, était d’adapter mon cours à mon public. Et la règle numéro un était : toujours tirer vers le haut, ne jamais sous-estimer ceux que l’on a en face de soi, c’est une chose qu’ils ne vous pardonnent pas.
Une fois que l’élève, même provocateur, est harponné par le sujet, par la façon de le présenter, qu’il se sent mis en valeur par ce que vous lui proposez, vous avez bien plus de chances de pouvoir vous imposer comme figure d’autorité, vous pouvez exiger davantage de lui.
Mais pour exiger, il faut faire ses preuves avant, ou en même temps, en parallèle.Une grande partie de la difficulté de ce métier d’enseignant est que, changeant de public tous les ans, nous devons chaque année refaire nos preuves, nous relancer à la conquête de nos classes.
-D’autres que les acteurs au sein des établissements travaillent sur cette question de la violence à l’école.
Il y a quelques années de cela Judith Miller (psychanalyste fille de Lacan), a créé avec Philippe Lacadée (psychiatre et psychanalyste à Bordeaux) les laboratoires du CIEN : Centre Interdisciplinaire sur l’Enfant.
Ce réseau est aujourd’hui international.
Nous travaillons en équipes pluridisciplinaires (psychanalystes, enseignants, médecins, éducateurs, chefs d’établissements, magistrats) pour croiser nos regards sur nos expériences et trouver un chemin pour réintégrer dans l’école nos « débranchés du savoir ».
Nous enseignants présentons souvent des cas d’élèves/ des situations qui nous interpellent, nous laissent démunis, et en les présentant, en se livrant et en livrant la situation au regard et à l’expérience de l’autre, il arrive que nous trouvions une voie différente, jusqu’alors insoupçonnée, qui nous permette de sortir de l’impasse. C’est un travail de fourmi, loin du culte du chiffre et du résultat immédiat, mais un travail qui prend l’humain en compte dans toute sa complexité, et un travail qui va vers l’apaisement de la tension.
C’est un travail d’humaniste.
Une des meilleures preuves en est donnée par Joseph Rosetto, principal du collège Pierre Semard en Seine Saint Denis, qui a considérablement diminué le nombre des actes de violence dans son collège, au point de les rendre quasiment nuls, par un formidable travail d’écoute, de concertation, d’innovation au sein de son établissement. (Un film retrace ce travail : « Quelle classe ma classe !»)
Mais Monsieur Darcos propose de déshumaniser l’école, au moment même où elle a plus que jamais le devoir de rester lieu de respect de l’humain dans toute sa dimension.
Diminuer les postes d’enseignants, réduire leur formation, la formation des élèves, la palette de matières les ouvrant au monde, mettre en avant le culte du chiffre, de la grille d’évaluation au détriment de l’homme et de sa dimension sont des mesures qui ne peuvent en aucun cas enrayer la violence.
Mettre des portiques et des agents dans les écoles sont des mesures réponses, réactives, coups de poing, mais qui n’anticipent rien, et qui ne donnent pas les moyens d’un travail en profondeur sur ce qu’est et ce que doit rester notre école de la République.
La voie que proposent d’autres, formateurs IUFM, enseignants, membres du CIEN, et bien d’autres encore qui donnent de leur temps dans l’ombre, est médiatiquement moins porteuse, mais vise à protéger les fondements de notre école, le socle de nos valeurs républicaines, celui-là même qui nous unit et fait de nous un peuple.
Sylvie Tassin. Publié sur le blog de Sylvie Tassin le 21 mai 2009.