Finances et Gouvernance de la biennale "Estuaire" : ce que dit la Chambre Régionale des Comptes et la réponse de l'Adjoint aux Finances
Conseil Municipal de Nantes du 7 Octobre 2011
Délibération 34 : Association CRDC - Le Lieu Unique - Rapport d'observations définitives de la Chambre Régionale des Comptes concernant les années 2005 à 2009 - Information
La Chambre Régionale des Comptes a examiné les comptes et la gestion de l'association du Lieu Unique (LU) - CRDC - Scène nationale laquelle a organisé les deux premières éditions 2007 et 2009 de la Biennale "Estuaire".
Ce rapport n'est pas, rappelons le, un jugement ou une quelconque critique de la qualité des oeuvres ou des créations artistiques, et doit "être transmis au conseil municipal dès sa plus proche réunion et donner lieu à un débat." (Lettre de la présidente de la Chambre Régionale des Comptes Pays de la Loire au maire de Nantes). Il apporte des réponses claires et précises à des questions jusque là restées sans réponse, parce que relatives à un sujet devenu quasi tabou à Nantes.
Le rapport de la Chambre des Comptes fait clairement état de problèmes de finances et de gouvernance.
On apprend enfin le coût final et réel des Biennales Estuaire 2007 et 2009 :
8, 8 M Euros pour "Estuaire 2007"
et 9,3 M pour "Estuaire 2009" soit 9 M par édition
+ "Il reste 1,6 M à financer sous la forme de remboursements d'emprunts pour le financement des oeuvres pérennes des biennales 2007 et 2009" (= dette Estuaire, page 7)
"La première source de leur financement est constituée de subventions publiques provenant majoritairement des collectivités territoriales (région des Pays de la Loire, département de Loire-Atlantique, villes de Nantes et Saint-Nazaire, Nantes Métropole, communautés de communes des bords de l'estuaire). Ces subventions sont de : 4,5 M pour Estuaire 2007 et 4,6 M pour Estuaire 2009. (page 6)
"Les ressources de chacune des biennales ont été insuffisantes pour couvrir le total des dépenses" et "le besoin de financement (1,6 M) a été couvert par la trésorerie de l'association et par le recours à un emprunt à moyen terme en 2009." (page 6)
On apprend que :
L'« absence d’un plan de financement initial (page 8) et un mode de présentation assez complexe ont rendu difficilement lisibles les enjeux financiers liés à la biennale, notamment s'agissant des oeuvres pérennes."
Des "Conventions spécifiques prévoient également réunion comité de suivi financier chaque semestre avec les partenaires financiers du projet. Dans les faits, ce comité ne s’est jamais réuni. » (page 10)
"Les dépenses de fonctionnement ont progressé de 24 % entre 2007 et 2009. Cette hausse provient essentiellement de l'augmentation de la masse salariale consacrée au projet, aux frais financiers et aux frais juridiques engendrés par les sinistres de 2007", tandis que "les recettes ont baissé "de 462 à 344 000 Euros, et ne suffisent pas à couvrir les charges liées à la seule exploitation touristique de la biennale." (page 7)
Les partenariats avec les sponsors (qu'on appelle aussi « sponsors pollueurs » ) ont aussi baissé de 2 M en 2007 à 1,7 M en 2009. (page 7)
Le report de 2011 à 2012 aura des conséquences sur les coûts : cf. "les charges fixes liées à la biennale seront à supporter une année de plus. »
« Les comptes ne seront clos qu’après les contentieux portés en justice relatifs aux sinistres de la première édition. » (page 12)
Le comptage des visites s'est fait dans un gd élan d’optimisme : il est en effet plus agréable de compter 680 000 visites que 170 000 visiteurs réels. (page 4)
A noter : les visiteurs d'Estuaire sont essentiellement locaux (59 % du 44). Même la fréquentation de la croisière "Estuaire" a baissé passant de 45 000 à 18 000 passagers (taux de remplissage 70 %).
Quant aux activités du Lieu Unique - scène nationale, elles ont connu une baisse parallèle au poids croissant de la biennale "Estuaire", les équipes étant mobilisées essentiellement sur la biennale dont "l'organisation a tenu une place très importante dans les réunions du CA". (page 8)
"La scène nationale est financée à près de 80 % par des subventions publiques, 4 M d'Euros en 2009 et provenaient majoritairement de la Ville de Nantes (72 %) mais aussi de l'Etat (25 %) cf. page 5.
Aux problèmes de gestion financière, s’ajoutent des problèmes de gouvernance.
La gouvernance de l’association laisse pour le moins à désirer, tant sur le plan juridique que démocratique. Les membres de droit de l’assemblée générale ne comprennent qu’une partie des représentants des collectivités qui financent les biennales Estuaire, en l’absence, par exemple du département et de la ville de Saint-Nazaire. Usagers et abonnés ne sont pas représentés dans les structures de gouvernance du LU. Les procédures de convocation ont manqué de rigueur. (page 8)
Aucun règlement intérieur ne formalise la convocation, l’organisation, ni le fonctionnement de l’assemblée. Les modifications de statuts adoptées par l’AG n’ont pas été enregistrées dans une nouvelle rédaction des statuts. La Chambre fait des observations sur ces conventions de sous-location pas toujours bien écrites, dont les loyers n’ont pas évolué comme ils l’auraient dû.
Quant aux licenciements, la CRC invite à plus de rigueur car "l'association a eu recours à des transactions pour réduire risques de contentieux qu’aurait pu entrainer la manière incertaine dont la procédure a été menée." (page 12)
Au total on peut conclure ces analyses de la Chambre des Comptes par un triple constat de non démocratie dans la gestion, de non programmation des dépenses sous couvert de pragmatisme, de flou, de mépris des règles et des formes juridiques, même si la Chambre se garde bien d’aller jusqu’à employer ces termes. On ne peut pas dire que ce soit un bon bilan, d'une bonne gestion, et en bonne progression.
Et à ce rapport plus qu’explicite, savez-vous, mes chers collègues et chers lecteurs ce que l'adjoint aux finances a dit en commission ?
« Rien de spécial » « tout va bien ! »
Et lorsque nous avons posé des questions nous avons reçu une réponse gauche et maladroite de sa part : « la droite n’aime pas la culture ! »
Rappel : Nous, c’est le Centre !
Est-ce qu'on a le droit d'aimer la culture, l'estuaire de la Loire, la biennale du même nom et de poser quand même des questions sur les finances de cette manifestation au conseil municipal de Nantes ?
Article Ouest France du Samedi 08 Octobre 2011