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L'Arbre de la Souffrance

7 Mars 2011 , Rédigé par Isabelle Loirat Publié dans #Société

Au delà des données brutes et statistiques la souffrance engendrée par les agressions sexuelles dépasse l'imaginable et nous sommes confrontés à une situation dont les conséquences en souffrance humaine et en coûts sociaux dépassent l'entendement.

 

"L'Arbre de la Souffrance" et les valeurs sociales permet d'appréhender l'impact  d'un délit sexuel sur l'ensemble de la société, la victime d'abord (blessures physiques et psychologiques, pertes de fonctionnement), sur la famille de la victime (culpabilité, pertes de revenus, perturbations), sur l'agresseur (souffrance, incarcération, perturbation dans la famille et le travail) impliquant aussi la police (enquête, arrestation), la justice (procès, condamnation puis le milieu carcéral (dissuasion, punition, réhabilitation) et enfin - mais pas toujours - la thérapie pour la victime ET l'agresseur.

 

 AS Arbre de la souffrance

 

L'Arbre de la Souffrance

 

Source : Les agresseurs sexuels - Théorie, évaluation et traitement

Jocelyn Aubut et collaborateurs - 1993

Les Editions de la Chenelière, Montréal, Maloine, Paris

 

Cette souffrance a de particulier qu'elle est durable et ne s'arrête pas avec la fin des faits.

 

Les coûts sociaux sont énormes, incalculables, l'addition est faramineuse.

 

Souffrance psychologique,

+ besoins de traitement pour les victimes

+ besoins des familles des victimes

+ besoins des agresseurs

+ besoins de leur entourage

+ frais de justice

+ frais d’incarcération

 

Pourtant le sujet est quasiment absent du discours et des programmes politiques sauf en cas de faits divers, "les recherches biomédicales sont plus qu’indigentes" répètent, avec le sentiment de ne pas être entendus, les psychiatres Serge Stoléru et Sophie Baron-Laforêt et le professeur de médecine légale, Christian Hervé dans « Une éthique de la connaissance appliquée aux auteurs d’agressions sexuelles »  Le Monde 11 02 2011. "On assiste de manière répétitive au même cycle : faits tragiques (viols, meurtres), suivis d’orages médiatiques qui déclenchent mobilisation temporaire des politiques, rédaction de rapports, propositions ou promulgation de lois puis retour à l’oubli jusqu’à la prochaine tragédie". Illustration récente : dans le cas de l'affaire Laetitia, la réponse apportée a été le limogeage du responsable pénitentiaire dans l'Ouest. Etait-ce la plus appropriée et la plus urgente ?

 

Quels moyens sommes-nous prêts à mettre pour pour faire baisser radicalement le nombre d'agressions sexuelles ?

Et au-delà, sommes-nous capables de protéger nos femmes et nos enfants ?

 

Les recherches sur le sujet sont assez récentes en France, dans les pays anglo-saxons, l'approche de ces questions est traitée depuis plus longtemps qu'en Europe.

En 2001 a eu lieu le Premier congrès international francophone sur l'agression sexuelle à Québec piloté par l'IPPM, l'Institut Philippe Pinel à Montréal http://www.pinel.qc.ca, hôpital fondé en 1970, dont la mission unique est : "Apaiser la souffrance, contrer la violence", devenu référence en psychiatrie légale, "dans les soins et le traitement de cette clientèle, la plus stigmatisée du réseau de la santé".



C'est seulement en 1995 que commence le recensement en France des agressions sexuelles sur mineurs; la première étude systématique menée sur des délinquants sexuels préconisant une prise en charge thérapeutique des auteurs d'agressions sexuelles dès l'incarcération date de 1997.

La loi Guigou du 17 juin 1998 (au lendemain du séisme de l'affaire d'Outreau) relative à la répression et à la prévention des infractions sexuelles, ainsi qu'à la protection des mineurs, crée le "suivi socio judiciaire", dispositif qui prévoit  une prise en charge thérapeutique pour les délinquants sexuels. "Peine complémentaire" qui comporte l'obligation de se soumettre, sous le contrôle du juge de l'application des peines, à des obligations de surveillance et d'assistance. La peine de suivi socio judiciaire est prononcée le jour du jugement mais pourra être mise en oeuvre à l'issue de la peine, parfois 15 à 20 ans + tard. Si le patient refuse les soins, il pourra se voir refuser certaines réductions de peine.

 

"Longtemps catégorisés comme "pervers" et réputés incurables, les agresseurs sexuels ont été tardivement pris en charge par les psychiatres". "Le vrai changement a été opéré par la société civile", "le mouvement est parti des victimes, explique le Dr Baron-Laforet, cela a commencé avec les femmes victimes de viol, puis les victimes enfants... C'est alors qu'on s'est penché sur les agresseurs sexuels et qu'on a osé aborder le sujet en face."

(Le Monde 01 03 01)

 

Aujourd'hui, on ne parle plus de "perversions sexuelles" mais de "paraphilies", terme qui a remplacé pour la première fois en 1980 celui de "perversion" (DSM III), du latin « perversio » signifiant renversement, retournement et dont l'origine remontait au XIVè siècle. La CIM 10 (Classification Internationale des troubles Mentaux publiée par l’OMS) inscrit les paraphilies dans "les troubles de la préférence sexuelle"; y sont recensées les singularités de l'attirance sexuelle (philie) situées à côté (para) de la norme.

 

Définition générale : "Les caractéristiques essentielles d'une paraphilie sont des fantaisies imaginatives sexuellement excitantes, des impulsions sexuelles ou des comportements survenant de façon répétée et intense, et impliquant des objets inanimés, la souffrance ou l’humiliation de soi-même ou du partenaire, des enfants ou d’autres personnes non consentantes, et qui s’étendent sur une période d’au moins 6 mois." (DSM IV, Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, manuel de référence international publié par l’APA, American Psychiatric Association)

 

Quelle approche politique sur ces questions ? celle du Front National à 24 % dans le dernier sondage ? Non évidemment - et là je me souviens de mon engagement en politique au lendemain du 21 avril 2002 précisément pour travailler à une autre offre politique plutôt que de rester à contempler et critiquer le désastre depuis mon canapé - je conserve l'espoir d'une autre approche plus humaniste mais pragmatique, sans démagogie, qui passera par des moyens accordés à la justice mais aussi à un vrai traitement global médical et psychologique des agresseurs et enfin et surtout par l'Education sexuelle des générations futures.

Je l'ai déjà écrit mais c'est essentiel car la prévention contre les agressions et surtout la lutte contre la récidive passera par l'Education. Tant que les gamins, qui ne la considèrent pas comme un véritable rapport sexuel, ne sauront pas que depuis 1980, la fellation est tenue pour un viol et donc passible de la cour d'Assises, on a peu de chances d'y arriver.

 

"La liberté sexuelle est celle d'avoir ou de ne pas avoir de relations sexuelles", voilà ce qui doit être rappelé et comme le souligne Odon Vallet "un tel effort d'éducation n'est pas simple". 

Le Professeur I. Nizan souligne, à propos du nombre trop élevé d'IVG sur les jeunes filles (15 000) en France le fait que la loi de 2001 consistant à faire 3 ou 4 h d'éducation sexuelle chaque année au collège n'est même pas appliquée.

Un programme de prévention ou de recherches coûte pourtant moins cher que la construction d'un nouveau palais de justice (exemple Angers) pour accueillir un grand procès médiatique.

 

 

Bibliographie

 

Les Agresseurs sexuels. Théorie, évaluation et traitement. Jocelyn Aubut et collaborateurs. Les éditions La Chenelière, Montréal, Maloine, Paris, 1993

 

Troubles des conduites sexuelles. Diagnostic et traitement. Florence Thibaud, Rouen, Article EMC - Encyclopédie Médico-Chirurgicale

 

« Une éthique de la connaissance appliquée aux auteurs d’agressions sexuelles »  Serge Stoléru, Sophie Baron-Laforet, Christian Hervé.  Le Monde 11 02 2011.  

 

Etude psychanalytique des auteurs de délits sexuels – C. Balier, D. Bouchet – Kervella - EMC

 

"Le viol et la vertu " par Odon Vallet Le Monde 06 06 2002

 

"Les lendemains d’un viol" Jean- Yves Nau Le Monde 30 12 1987

 

« Les sportives victimes de violences sexuelles brisent le silence » Le Monde 28 05 2000

 

"Plaintes et chuchotements", d'Olivier Truc Le Monde 08 02 11

 

 

Demain c'est la journée internationale des Femmes. Je voudrais que chaque jour soit la journée de la Femme et qu'on ne s'insurge pas seulement le 8 mars, mais le 9, le 10, chaque jour de l'année contre les inégalités qui subsistent entre elles et les hommes, contre les violences qui leur sont faites chaque jour d'un bout à l'autre de la planète

 

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