La Faute-sur-Mer et L’Aiguillon, victimes d’une urbanisation galopante
La Faute-sur-Mer, le 1er mars 2010.
REUTERS/REGIS DUVIGNAU
L'urbanisation galopante de La Faute-sur-Mer et de L'Aiguillon-sur-Mer, les deux communes de Vendée les plus touchées par la tempête Xynthia, a commencé dans les années 1960 et s'est poursuivie à un rythme effréné jusque dans les années 1990.
Un petit condensé des "trente glorieuses" dont se souvient le géographe Jean Renard. Ce professeur émérite de l'université de Nantes, spécialiste du littoral vendéen, a assisté à cette dérive en expert, mais aussi en voisin puisqu'il a habité, pendant 35 ans, la commune proche de Talmont-Saint-Hilaire.
Il y a 50 ans, ces terrains servaient de communal, du nom de ces sols alloués aux agriculteurs, qui, moyennant une petite rétribution, y menaient paître leurs bêtes", raconte M.Renard. Ces terres agricoles, régulièrement inondées, abritaient aussi "des conches", ces champs creusés dans le sable. Une petite paysannerie "y cultivait des pommes de terre, des fleurs ou encore de la vigne." Instruits par l'expérience, les paysans connaissaient les risques et les dangers des inondations et ne construisaient "que sur des îlots surélevés", comme celui du vieux bourg de L'Aiguillon ou encore l'îlot de la Dive, qui ont d'ailleurs été épargnés par les eaux, poursuit M. Renard.
Au-delà même de la mémoire humaine, et sans remonter à l'époque romaine où le Marais poitevin était une zone maritime, les recherches de l'historien Jean-Luc Sarrazin ont montré qu'au Moyen Age déjà, ces zones littorales étaient soumises à de brusques arrivées d'eau de mer. Ces vimers, conjugaisons de très fortes marées et de tempêtes, aboutissaient à des surcotes de marée de plus d'1,50 m, du même ordre que celles qui ont surpris les habitants dans la journée du samedi 27 février.
LE LITTORAL AVANCE
L'essor brutal de l'urbanisation à partir des années 1960 a balayé cette vie rurale respectueuse des caprices de la nature. "Les municipalités, souvent dirigées par des commerçants et des artisans, ont transformé ces terres agricoles en terrains à bâtir et n'ont pas su fixer les limites à la pression des particuliers et des promoteurs."
En une vingtaine d'années, La Faute, L'Aiguillon et les communes au-delà ont été quadrillées "de parcelles de 400 à 500m2" pour y construire des maisons basses de style vendéen. Des constructions propres à satisfaire la demande d'un tourisme de masse, mais plus vulnérables que les grands immeubles qui bordent Saint-Jean-de-Monts ou les Sables-d'Olonne. "Avec des résidences secondaires deux à trois fois plus nombreuses que les résidences principales, des campings transformés en mobile homes, le littoral est devenu un lieu prisé par des retraités issus des couches populaires", explique Jean Renard.
Cet appétit de construction a été servi par la géographie du lieu. "La côte est instable, d'une extrême fragilité", ajoute le géographe, qui rappelle que "toute la basse vallée du Lay", sur laquelle se trouvent les deux communes les plus touchées par Xynthia, "constitue un littoral très dynamique qui ne cesse d'avancer", produisant des surfaces supplémentaires disponibles pour l'élevage, puis pour l'habitat.
"La commune de La Faute-sur-Mer a grandi de plusieurs dizaines d'hectares au cours des deux derniers siècles", assure M. Renard. Un plan de prévention des risques a fini par être approuvé en 2007, entérinant le fait que nombre de constructions se trouvent en zone inondable.
Sont venues s'ajouter la mytiliculture et l'ostréiculture, pour le plus grand bonheur des résidents, mais qui fragilisent davantage les terrains. Un enchaînement qui, pointe le géographe, "forme un système" dont il sera probablement difficile de s'extraire.