“Notre-Dame des Landes est un projet du passé, un projet dépassé” par Jean Renard, géographe
PAYSAN NANTAIS - NOVEMBRE 2009 - N° 1224
“Notre-Dame des Landes est un projet du passé, un projet dépassé” Jean Renard, géographe
Dans cette nouvelle rubrique, nous demanderons l'avis d'un spécialiste, un expert, sur un sujet d'actualité. Ce mois-ci, questions à Jean Renard, professeur émérite de géographie à l'Université de Nantes, au sujet du projet d'aéroport de Notre-Dame des Landes.
Pour que Nantes maintienne et développe son statut de métropole européenne, il faut un nouvel aéroport, disent les défenseurs du projet, sinon Nantes s'isolera et déclinera.
En tant que spécialiste des dynamiques de territoires, pensez-vous que l'avenir de Nantes se joue sur ce nouvel équipement ?
Oui, un aéroport international est nécessaire. Mais Nantes dispose d’un tel équipement. C’est Nantes Atlantique. Il suffit aux besoins actuels et futurs. Avec 2,7 millions de passagers (soit trois fois moins que l’actuelle gare ferroviaire) le trafic peut doubler, voire plus, sur place.
D’autant qu’il a été récemment modernisé et agrandi, qu’il est à proximité de la ville, relié à elle par une voie ferrée curieusement non utilisée, mais c’est que le concessionnaire tire profit des parkings.
Le seul problème est le danger provoqué par le survol de la ville. Or, depuis trente ans on a accepté ce survol. Si c’est si dangereux il faut immédiatement l’interdire. C’est possible si l’on rétablit l’ancienne piste désaffectée orientée Est-Ouest, qui était à l’origine. Pourquoi l’a t-on abandonnée ? Une simple modification de l’axe résoudrait le problème. Certes des populations seraient touchées qui ne le sont pas.
On comprend leur crainte. Mais cela éviterait le survol de la ville. Le coût serait bien plus faible que le transfert envisagé sur le site de Notre-Dame des Landes (NDDL).
L’avis des pilotes, exprimé dans Ouest-France du 8 octobre 2009 : « Un nouvel aéroport pour quoi faire ? » est sans appel quant à l’inutilité de NDDL. Le projet était, il y a près de quarante ans, associé au Concorde, et les « experts » prévoyaient alors un trafic de 6 millions de passagers en l’an 2000. On en est loin.
La construction d'un nouvel aéroport va coûter cher aux collectivités territoriales et à l'État, ne faudrait-il pas investir dans d'autres secteurs stratégiques ou d'autres facteurs de développement ?
Le coût du projet est manifestement sous- évalué. Les exemples d’autres équipements du même type montrent que cela coûtera trois ou quatre fois plus. Qui paiera ? On a dit au départ que ce serait le constructeur privé le mieux disant. Aujourd’hui on parle des collectivités locales. C’est-à-dire chacun d’entre nous. Pour quel montant ? Nul ne le sait. Rappelons pour mémoire que cet équipement est du domaine de l'État et non pas une décision des collectivités locales.
On nous dit que NDDL serait associé à une ligne à grande vitesse Nantes-Rennes. C’est une bonne initiative que de relier les deux villes par une ligne TGV. Mais alors pourquoi nos élus ont-ils refusé le projet alternatif à la ligne Le Mans-Rennes qui consistait à créer une ligne Le Mans, Château-Gontier, Châteaubriant, et à partir de cette ville de faire deux branches, l’une vers Rennes, l’autre vers Nantes, solution proposée par la FNAUT (Fédération Nationale des Associations d'Usagers des Transports) ? On faisait ainsi d’une pierre deux coups. Aujourd’hui on se réveille pour proposer une ligne directe Nantes-Rennes. On croit rêver !
Bien d’autres investissements pour le bien être des populations et l’attractivité de la ville sont plus utiles (transports en commun, lycées, services de santé, recherche). Au total ce projet du passé est un projet dépassé.
L'impact de ce projet sur l'agriculture n'est-il pas sous-estimé par les porteurs du projet ?
L’impact sur les terres agricoles serait considérable. Outre plusieurs milliers d’hectares consommés par le projet et les infrastructures pour y conduire, il faut évoquer toutes les consommations indirectes : zones commerciales, industrielles, carrières, etc.
Les agriculteurs chassés de ces terres,certes souvent bien indemnisés, iront propager la spéculation foncière sur un très vaste périmètre, par un effet domino bien connu.
Des promoteurs sont à l’affût. Il suffit d’observer ce qui se passe sur le marché foncier. Mais le veut t-on ?
Alors que l’on manque de bonnes terres arables c’est un gaspillage inconsidéré, d’autant qu’il n’est pas envisagé de procéder à des remembrements associés à la mutualisation des plus-values liées au changement d’affectation des sols, seul moyen pour tenter d’économiser les terres disponibles en brisant la spéculation.
Paru dans PAYSAN NANTAIS - NOVEMBRE 2009 - N° 1224