Source DD Magazine Écrit par : Yves Heuillard dans urbanisme, transport le 2 décembre 2008 link
Le téléphérique et la ville, une nouvelle histoire d'amour

On les appelle téléphériques, télécabines, tramways aériens, on les associe toujours à la montagne, mais aujourd'hui les systèmes de transport par câble renouent avec les villes. Partout dans le monde, ils s'intègrent aux réseaux publics et offrent une solution de transport souvent commode, peu onéreuse, écologique, et ludique.
" Dis Papa, on peut prendre le téléphérique ? " Ces mots vous les avez forcément entendus ou prononcés. Ils témoignent de notre fascination pour les téléphériques. Cette fascination, Jean-Paul Huard, membre du directoire et Directeur des opérations de Poma, leader mondial du secteur, l'a transformée en passion : " Dès que vous mettez un téléphérique quelque part, les gens viennent pour le voir et l'emprunter, avec des répercussions positives sur l'économie locale et la vie des habitants ". Et Jean-Paul Huard sait de quoi il parle, "A Medellin, en Colombie Le Metrocable que nous avons construit pour relier le quartier pauvre de Santo Domingo, construit à flanc de montagne, joue un rôle social indéniable : ce quartier de 150 000 habitants, auparavant enclavé, a vu une réduction spectaculaire de sa criminalité (divisée par 10), la ré-installation des commerces, le retour des touristes alors que la construction s'est faite sous la protection de la police militaire et que nous avions des gilets pare-balles. "
Cet attachement au téléphérique, les habitants de Roosevelt Island à New York ne le démentiraient pas. Là quand on dit " le Tram ", c'est du tramway aérien qui relie l'île à Manhattan dont il s'agit. Le Tram avait été construit provisoirement en attendant l'arrivée de la ligne de métro, mais une fois réalisé les habitants de l'île s'opposent au démontage du Tram. Après 30 ans de service, le Tram a besoin d'un petit coup de jeunesse (amélioration du confort, du débit, de la flexibilité d'exploitation et de la sécurité) et c'est Poma qui vient de remporter l'appel d'offre.
Sans le tram, les habitants de Roosevelt Island auraient le choix entre les embouteillages et le parking payant en centre-ville, une heure de bus, ou la compression quotidienne dans un métro hyper bondé. Avec le Tram, c'est quelques minutes de vol à 85 mètres au dessus de l'East River et le plaisir toujours renouvelé de voir New York sous ses pieds. ( Tout savoir sur le Tram sur le site de RIOC, l'exploitant).
Poma : De l'Alpe d'Huez
aux confins du monde
Le groupe international Poma, dont le siège est à Grenoble, est un des leader mondiaux du transport par câble avec plus de plus de 12 000 références d'installations dans 82 pays. Si l'on mettait bout à bout tous les appareils construits par Poma, on relierait Paris à Los Angeles. Ces appareils totalisent une capacité de transport de plus de 6,26 millions de passagers / heure.
L'entreprise, crée en 1936 construit son premier téléski à l'Alpe d'Huez (Pomagalski). Elle profite depuis du développement des sports d'hiver et du tourisme, en Europe d'abord, et aujourd'hui en Asie, et décline avec succès son savoir faire dans le transport urbain, sur rail ou par câble. Le groupe Poma réalise un chiffre d'affaire de 264 millions d'euros et s'appuie sur de nombreuses filiales, notamment Semer (automatisme de sécurité) en Haute-Savoie et Sigma (cabines) en Isère.
En terme d'investissement, dès lors qu'il faut construire un pont, une voie en site propre et a fortiori un tunnel, le câble est le moyen de transport le moins cher. Les travaux de construction sont beaucoup plus courts (de l'ordre d'un an), génèrent peu de nuisances, et ont une faible incidence sur le trafic urbain. "Pour les usagers les temps d'attente sont très courts, de 10 secondes pour les systèmes à cabines multiples, à quelques minutes pour un système de deux cabines en va-et-vient. La disponibilité d'un système de transport par câble est supérieure à 99% avec une vitesse commerciale de à 27 à 47 km/h selon les systèmes. Les débits horaires maximum sont de l'ordre de 3 000 personnes à l'heure (dans chaque sens) et selon les autorités de contrôle c'est le moyen de transport le plus sûr après l'avion. Des qualités qui sont mêmes inscrites dans la loi du Grenelle de l'environnement qui qualifie de transport par câble de "vertueux", pas moins (amendement 110, article additionnel à l'article 10, déposé par Messieurs Jacob et Saddier et adopté à la quasi-unanimité).
La première ligne de Metrocable de Medellin, mise en service en 2004 relie la station de métro d'Acevedo au quartier de Santo Domingo construit à flanc de montagne. Sans sortir des bâtiments, les passagers peuvent passer du Metrocable à l'une des principales lignes du Métro de Medellin qui dessert le centre-ville, l'hôpital, l'Université et le Parc des Expositions. Dès la mise en service il transporte plus d'un million de personnes par mois. Le Metrocable fonctionne dix-neuf heures par jour tout au long de l'année. Son succès est tel qu'une autre ligne sera ouverte en 2004, qu'une troisième verra le jour en 2009 et qu'une quatrième fait actuellement l'objet d'un appel d'offre ( les trois premières on été construite par Poma). Medellin montre que le transport par câble peut parfaitement trouver sa place dans un réseau de transports en commun et fait des émules puisque Rio de Janeiro vient de commander un système similaire (1 ligne, 5 tronçons) pour relier la favela de Moro de Alemao.
En Asie, A Taipei (Taiwan) un télécabine relie la station de métro Zoo Taïpei, située dans le quartier de Maokong, au zoo et aux quartiers résidentiels qui l'entourent. La télécabine, avec cinq tronçons, quatre gares intermédiaires, 145 cabines, sur 4 kilomètres de long transporte 2 400 personnes/heure à 21 km/h.
Sur la côte Est du Vietnam, c'est un télécabine encore qui relie la ville de Nha Trang et l'île touristique de Hon Tre, distante de plus de 3 km : 47 cabines peuvent transporter 1 000 personnes par heure. Techniquement il s'agit d'une réalisation hors-norme avec neuf pylônes, dont six en mer, et qui atteignent jusqu'à 70 mètres de hauteur pour laisser passer les cargos (photo ci-contre). Les pylônes sont eux-mêmes fixés sur des plates-formes « offshore » hautes de près de 60 mètres et la portée entre pylônes est de 450 mètres en moyenne.
Plus proche de nous en Catalogne, dans la banlieue de Barcelone la petite ville résidentielle de Esparraguera, perchée sur une colline, a fait le choix du transport par câble pour établir la liaison avec une gare ferroviaire. Ce qui a bouleversé le quotidien de ses habitants qui devaient affronter une à deux heures d'embouteillages tous les jours contre 20 minutes de transport aujourd'hui.
Citons aussi Alger, avec ses quatre téléphériques urbains construits dans les années 1980 et récemment rénovés, ou encore la Suisse avec plus de 300 appareils de transport public par câble, capables de desservir plus de 1 million de personnes par heure (source : association le Chaînon Manquant).
Mais le transport par câble a aussi ses opposants, la ville d'Issy les Moulineaux a abandonné un projet de téléphérique reliant la mairie au Fort sous la pression des riverains.
A Nantes un projet de liaison par câble de la butte Sainte-Anne à l'île de Nantes, proposé par quelques élus centristes, ne sera pas retenu car considéré comme gadget par leurs opposants politiques qui lui préfèrent un pont.
Et vous que diriez vous d'aller au bureau en téléphérique ?
Article paru dans DD Magazine Développement Durable Magazine
Écrit par : Yves Heuillard dans urbanisme, transport le 2 décembre 2008 link