Aéroport : Lettre du CéDpa à NKM, ministre de l'écologie et des transports
Cela fait des mois que nous demandions un rendez-vous à la ministre de l'écologie et des transports Nathalie Kosciusko-Morizet. Las d'être renvoyés vers ses conseillers, voici la lettre que nous lui avons adressée.
Madame la Ministre,
Vous êtes dans doute trop jeune pour avoir ri à l’un des plus fameux sketches de Fernand RAYNAUD dans lequel il continue à demander un café et deux croissants alors que la patronne du bar lui dit qu’elle n’a plus de croissants. En revanche, vous connaissez la célèbre réplique de Georges MARCHAIS « c’est peut-être votre question, mais c’est ma réponse ». Eh bien, Madame la Ministre, vos services viennent de nous rejouer la sortie de l’ancien Secrétaire du Parti Communiste, hélas, sans nous faire rire. Et nous, nous allons persister à demander un croissant comme Fernand RAYNAUD.
En effet, au nom de près de 1 000 élus rassemblés en collectif, nous vous avons demandé un rendez-vous pour vous dire notre désaccord sur le projet d’aéroport à Notre Dame des Landes.
Monsieur BORLOO avait été sollicité du temps où vous étiez sa Secrétaire d’État. Il nous avait ignorés. Aujourd’hui vous nous faites répondre que vos collaborateurs nous recevront pour « évoquer les projets connexes découlant du futur aéroport de Notre Dame des Landes. »
Vous nous avez sans doute mal compris bien que notre courrier ait été très clair. Nous ne voulons pas parler des conséquences de ce projet, nous voulons vous dire pourquoi il faut y renoncer.
Nous ne voulons pas discuter des mesures compensatoires à la destruction des terres agricoles et des zones humides du secteur, nous voulons vous montrer la réelle richesse de ce bocage, aujourd’hui classé zone naturelle d’intérêt exceptionnel faunistique et floristique et la nécessité de le préserver sauf à faire strictement le contraire de ce que l’on dit par ailleurs sur la biodiversité ou sur la qualité de l’eau.
Nous ne voulons pas être gentiment écoutés et rassurés sur le rétablissement de tel chemin agricole ou sur l’accompagnement de chaque agriculteur évincé de ses terres.
Nous voulons réaffirmer notre volonté de garder une agriculture paysanne, à taille humaine, respectueuse des hommes et des terres, à proximité d’une agglomération qu’il faut nourrir.
Nous ne voulons pas entendre parler de « compétitivité, de métropole européenne et de grands travaux », nous voulons marteler nos choix fondamentaux d’élus : relocalisation, circuits courts, biodiversité, emplois pérennes, respect des collectivités locales et de leur population. Bref vous montrer pour notre territoire une autre vision que celle des « grands décideurs », qui n’ont pas répondu à nos arguments et continuent même à asséner de véritables contre-vérités par exemple sur la saturation de l’actuel aéroport.
Nous ne voulons pas être rassurés par l’État sur le contrôle qu’il assurera du travail du gestionnaire désigné (VINCI), nous voulons vous dire notre colère devant un montage financier où des collectivités locales vont prêter de l’argent public à un groupe dont les bénéfices ont de quoi faire rêver et qui est aujourd’hui impliqué dans de très nombreuses et sombres affaires, la dernière en date étant celle de la forêt russe de Khimki…
Nous ne voulons pas que vous nous disiez que c’est trop tard, qu’il faut nous résigner, et coopérer désormais, nous voulons vous réaffirmer que vous ne ferez pas notre bonheur malgré nous et que notre détermination reste intacte.
Ce matin 6 juin, certains d’entre nous était sur le site, où devaient commencer les forages. Face aux jeunes qui rêvent d’une autre vie, et à qui nous allons laisser le pire des mondes, aux agriculteurs dont on va détruire l’outil de travail et aux vaches qui ne demandaient qu’à paître tranquillement, les forces de l’ordre ont montré… leur force à grands renforts de lacrymogènes, de gardes mobiles, de chiens et d’un hélicoptère ! Est-ce là l’esprit du Grenelle de l’environnement ?
Madame la Ministre, nous vous avons entendu défendre la qualité de l’eau, la préservation des sols, l’agriculture relocalisée. Ce projet d’aéroport va totalement à l’encontre de ces objectifs. Où est l’erreur ?
Nous voulons croire que la réponse de votre collaboratrice n’est pas un signe de mépris dans lequel on nous tient en haut lieu, mais une simple maladresse. C’est pourquoi nous vous redemandons, publiquement cette fois, d’être reçus et écoutés sur le fond du sujet et non sur les « projets connexes ».
Françoise Verchère, conseillère générale de Loire-Atlantique,
Jean-Paul Naud, maire de Notre Dame des Landes,
Co-présidents du CéDPA (collectif des élus qui doutent de la pertinence de l’aéroport)